26 décembre 2013

Corps volé - Cécile Zec


En librairie depuis le mois de septembre, "Corps volé" est un témoignage de la française Cécile Zec.

Il y a dix ans, Cécile Zec recevait un coup de téléphone de la police nationale lui demandant si elle connaissait un masseur plébiscité par les célébrités.
A partir de ce moment-là, la jeune actrice réalise qu'il se pourrait qu'elle ait été violée par cet homme sept mois plus tôt.
Ses souvenirs sont flous : une douche, l'absorption d'un médicament censé la détendre et d'une tisane au goût étrange, l'évanouissement, l'hypothermie et l'engourdissement plusieurs heures durant.
Elle porte plainte contre celui qu'elle continue d'appeler "l'Autre", sans se douter que son cauchemar ne fait que commencer.
Insomnies, perte d'appétit, angoisses. Un procès sans cesse repoussé car le nombre de victimes déclarées augmente de jour en jour.

Peut-être avez-vous entendu parler de l'affaire Thierry Chichportich, surnommé "le masseur des stars" ? Ce violeur en série avait été condamné une première fois en 2006 à 18 ans puis en 2009 à 12 ans de réclusion pour les viols d'une quinzaine de femmes.
Une affaire qui n'est pas sans rappeler la plus récente affaire Pierre Pallardy, "l'ostéopathe des stars" également condamné pour attouchements et viols sur près de 20 patientes.
Deux affaires qui font froid dans le dos (mon dieu je viens de me rendre compte du jeu de mot pourri).

"Lors du procès, je vais vivre le traumatisme de mon viol autant de fois qu'il y a de victimes.
C'est le paradoxe dans lequel je tombe dès ce premier jour : je suis prise entre le besoin d'être reconnue victime, et le dégoût d'en être une." p.175

"Corps volé" semble se découper en deux parties : l'avant et l'après.
Cécile Zec a tout plaqué pour réaliser son rêve de devenir actrice. Arrivée à Paris, la jeune québecoise trime tous les soirs comme serveuse afin de financer ses cours de théâtre.
Débrouillarde, elle travaille énormément et bénéficie d'une bonne étoile.
Elle rencontre des gens influents, enchaîne les castings et décroche des rôles de plus en plus importants.
Tout se goupille parfaitement. Une période de vive exaltation jusqu'au moment où tout bascule.
C'est la coupure nette. La jeune femme énergique, toujours positive et enjouée, sombre dans la dépression. Désormais incapable de retenir un texte et d'entrer dans ce jeu de séduction nécessaire aux acteurs, elle se replie sur elle-même et abandonne les planches.
Sa mémoire ne revient pas, l'interroge sans cesse et l'attente du procès semble interminable.
Sous le choc et en colère, Cécile Zec ne survit que pour voir son violeur enfin condamné et peut-être obtenir certaines réponses aux questions qui la taraudent. En attendant le long processus de reconstruction.


Deux choses m'ont dérangée dans la première partie du récit. A commencer par la vision très lisse et gentillette du monde du showbiz, pourtant habituellement présenté comme un milieu de requins où tout le monde se tire dans les pattes et au sujet duquel on entend souvent qu'une femme doit coucher pour réussir.
Rien de tout cela ici. Tout le monde est prêt à lui tendre la main, toujours pile au bon moment. Soit Cécile Zec a volontairement embelli cette période de sa vie pour souligner le contraste avec ce que fut sa vie après, soit elle a vraiment eu beaucoup de bol à l'époque...
Même impression à la toute fin du livre lorsqu'elle croise le même homme que celui aperçu dans ses rêves...
J'ai également été ennuyée par certains aspects anecdotiques/pipole comme le récit de sa rencontre avec Matt Damon ou son rendez-vous manqué avec Robert Hossein. Je n'ai pas vraiment compris ce que ça ajoutait au récit, si ce n'est comme dit plus haut, pour montrer à quel point sa vie était parfaite avant.

La seconde partie retrace l'attente du procès, la déposition et la confrontation imprévue avec son violeur, les séances chez le psy et les premières étapes de la reconstruction.
Deux choses terribles m'ont frappée dans ce récit. Le procès sans cesse repoussé car l'enquête n'est pas bouclée tant que de nouvelles victimes voient le jour (et elles furent nombreuses!). Cécile Zec a ainsi du attendre 3 ans (!) avant que son violeur ne soit reconnu coupable.
Et au bout du compte, elle a du accepter de vivre avec ses questions demeurées sans réponse à l'issue du procès. Je n'ose même pas imaginer comment il est possible de vivre avec ça, ou plutôt de l'outrepasser. Et en même temps, je me demande si connaître certains détails, avoir des images de son corps malmené à son insu, auraient forcément aidé. Parfois, ne vaut-il pas mieux ne pas savoir ?
Impossible de se prononcer mais dans les deux cas, la douleur doit être terrible.

Au delà de l'évidente gravité des faits, je n'ai pas été bouleversée par cette lecture comme j'aurais dû l'être en regard du sujet.
Je me rends compte que "Viol, une histoire d'amour" - qui est pourtant une fiction - m'a davantage remuée que ce témoignage, peut-être à cause du poids des mots utilisés par Joyce Carol Oates, sa faculté à immerger son lecteur dans une histoire ou parce qu'elle envisage le viol sous plusieurs points de vue différents là où "Corps volé" s'affiche clairement comme un témoignage de victime.

Je remercie néanmoins l'agence LP Conseils et  les éditions l'Archipel de m'avoir envoyé ce livre.

challenge album



3 commentaires:

  1. Pas tentée mais pas étonnée par le côté lenteur de la justice.

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  2. Il s'agit d'un témoignage. L'auteure n'est apparemment pas écrivain, ce qui explique ta préférence pour le texte de J-C Oates.

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  3. Ton avis est tout de même plutôt mitigé, je passe.

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