29 août 2013

Le don du passeur - Belinda Cannone


En librairie depuis le 21 août, "Le don du passeur" est un récit biographique écrit par la romancière et essayiste française Belinda Cannone, notamment auteure des romans "L'Adieu à Stefan Zweig","Entre les bruits" ou encore de l'essai "Petit éloge du désir" qui paraîtra le 12 septembre prochain.

" Mais il était ainsi bâti que pour lui tout était grave : ce que je nomme sa passion.
Car, si elle m'irritait alors, aujourd'hui je la vois comme un de ses legs : tout était important, parce que tout était précieux, vivre était cet engagement de tous les instants dans le solide comme dans l'écume de l'existence - une palpitation, un battement, un éclat." p.77

"Le don du passeur" évoque Joseph Cannone, cet homme "à contre-courant" qui fut le père de l'auteure.
Un "drôle de bonhomme" doté d'une "disposition continue" à l'intelligence de coeur, qui passait parfois pour un fou tant sa générosité, son respect et son souci des gens, des choses, de la nature, son humilité, son émotivité et sa compassion pouvaient se manifester à l'excès, provoquant souvent l'incompréhension ou l'agacement.
Et pourtant c'est ce même homme, présent en filigrane dans chaque texte de l'auteure, qui en véritable "passeur", a transmis à sa fille le don de pouvoir s'émerveiller devant les plus petites choses et communiqué, malgré lui, un système de valeurs et une certaine façon d'être au monde, toujours empreinte de cette modestie naïve qui le caractérisait. 
Pédagogue dans l'âme, toujours prescripteur de conseils pour aider autrui, il n'en a pas moins laissé sa fille libre de penser par elle-même, lui donnant des outils plutôt que de chercher à la diriger dans ses choix. Nul doute que celui-ci, par son amour de la langue et de la littérature, lui ait ouvert la voie vers sa vocation d'écrivain.
Mais, si l'homme pouvait se montrer joyeux, il se révélait aussi mélancolique et jamais apaisé, capable d'une totale abnégation jusqu'à l'auto-flagellation.
Qualités, défauts, les deux notions ne cessent ici de se confondre.

 
"Je croyais que j'allais souvent pleurer. Mais non. Le travail tient l'émotion en respect. Plutôt : pour parvenir à exprimer ce qu'il y a d'émouvant dans ce personnage, je dois fournir un travail qui crée en moi une distance d'avec l'émotion primitive. Que ressentira le lecteur ?" p.45

Puisque l'auteure pose ouvertement la question à son lecteur, je me permets de formuler une réponse.
Loin de moi l'idée de mettre en doute l'amour de Belinda Cannone pour son père (de quel droit me le permettrais-je ?) mais si j'ai bien ressenti une tendresse certaine dans le choix des anecdotes évoquées, il m'a vraiment manqué une chaleur, une vibration dans l'écriture telle que, à sujet plus ou moins équivalent, je l'avais ressentie durant ma lecture de "Le livre de ma mère" d'Albert Cohen.
"Le don du passeur" m'a en quelque sorte fait penser à une coupe de cheveux "effet saut du lit".
Hum...je m'explique. Vous voyez ces ptits djeuns qui arborent une coupe de cheveux d'apparence négligée alors qu'en fait ils ont passé plus d'une heure dans la salle de bains ?
"Le don du passeur" donne par sa construction une impression un peu chaotique, comme si il avait été écrit au fil des idées et des souvenirs de l'auteure.  Ainsi le portrait de son père se dessine-t-il progressivement devant elle (et devant le lecteur).
Pour paraphraser Beigbeder, Belinda Cannone écrit pour savoir ce qu'elle pense de son père, recourant à l'écriture pour remplir le vide et composer, immortaliser le portrait formé par les souvenirs liés à lui.
Malheureusement, sans se révéler artificiel pour autant, ce récit m'a semblé trop en retenue, trop travaillé.
Evoquer son propre père relève de l'intime mais dans le cas présent, j'ai trop souvent eu l'impression de lire un essai sur un personnage (l'auteure dresse beaucoup de parallèles avec "L'Idiot" de Dostoievsky, que je n'ai pas lu, ça n'aide pas).
Au final, j'ai regretté que l'auteure verse trop dans l'analyse au détriment de l'affect.
J'espère être davantage conquise par "L'Adieu à Stefan Zweig" qui m'attend dans ma bibliothèque depuis un bon moment.

Je remercie la librairie Dialogues de m'avoir envoyé ce livre.

challenge album
 

10 commentaires:

  1. Décidément, les auteurs qui écrivent sur leur père, mère, grand-mère, belle-soeur et autres ne me tentent pas....

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    1. Pourtant je t'assure que "Le livre de ma mère" est une merveille :)

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  2. Ah l'effet "saut du lit" oui, très parlant comme image...

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    1. Héhé c'est la première image qui m'est venue :)

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  3. Ma PAL ne s'en portera que mieux !^^

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    1. Surtout que j'imagine combien elle doit être mise à rude épreuve ces temps-ci :)

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  4. Je préfèrerais faire connaissance de l'auteur avec un autre titre ..

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    1. Je compte bien découvrir "L'adieu à Stefan Zweig" qui est déjà dans ma PAL. J'espère que je pourrai mieux en apprécier l'écriture.

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  5. J'ai repéré L'adieu à Stefan Zweig à la bibli...

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    1. Il me tente bien aussi. Il faut dire que dès que je vois apparaître le nom de Zweig dans un titre, j'achète d'office ^^

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